L'athanor, nommé aussi fourneau cosmique à combustion lente, désigne en alchimie le four utilisé pour fournir la chaleur pour la digestion alchimique.
ce grand alambic est utilisé par les alchimistes pour leurs décoctions;
... le laboratoire de l'empirique est généralement surchargé de toutes sortes d'appareils et d'objets plus ou moins utiles, alors que les appareils de l'adepte sont en nombre restreint (fourneau ou athanor, œuf philosophique, creuset...) et rangés dans un ordre méticuleux. Interrogé par un médecin qui désirait visiter son laboratoire, un alchimiste contemporain − fidèle disciple de Fulcanelli − a déclaré qu'il serait sûrement déçu en trouvant un laboratoire assez semblable à un petit laboratoire de chimie, et non un autre de sorcier!
M. Caron, S. Hutin, Les Alchimistes, 1959, p. 69.
Athanor Symbole du creuset des transmutations, physiques, morales ou mystiques.
Pour les alchimistes, l’athanor, où s’opère la transmutation, est une matrice en forme d’oeuf, comme le monde lui-même, qui est un oeuf gigantesque, l’oeuf orphique qu’on trouve à la base de toutes les initiations, en Egypte comme en Grèce ; et de même que l’Esprit du Seigneur, ou Ruah Elohim, flotte sur les eaux, de même dans les eaux de l’athanor doit flotter l’esprit du monde, l’esprit de vie, dont l’alchimiste doit être assez habile pour s’emparer...
Aimant
C’est vers 587 avant notre ère que Thalès découvrit le magnétisme avec une pierre d’aimant, combinaison de fer et d’oxygène d’un noir brillant.
L’aimant symbolise toute attraction magnétique, quasi irrésistible et mystérieuse.
Il serait en rapport avec la chaux formée de poussière magnétique.
L’homme est chargé de cette poussière, comme l’aimant. Tout l’univers en est saturé et lui doit sa cohésion, ainsi qu’au mouvement.
L’aimant devient un symbole de l’attraction cosmique, affective, mystique.
La pierre d’aimant utilisée dans la magie servait de talisman pour provoquer l’amour, attraction-séduction...
Air
L’un des quatres éléments fondamentaux avec la terre, l’eau et le feu, l’air est d’essence masculine et gouverne trois signes du zodiaque auxquels il imprime son caractère de légèreté, de ductilité et d’intelligence active : les Gémeaux, la Balance et le Verseau.
Renvoyant, par l’intermédiaire du vent de l’esprit, à l’image du souffle qui anime toutes choses et par-ticipe à la création, il est aussi la marque d’un psychisme ascensionnel pour lequel tout est mouvement - agitation s’il n’est pas domestiqué, renouveau et principe de la quête s’il est compris dans son essence.
D’autant que, remplissant l’espace qui sépare la terre des cieux, il est aussi l’agent de liaison et renvoie par là à l’idée de l’âme du monde qui est le ré-ceptacle de l’esprit et anime l’univers sensible...
Androgyne
Dans l’imagerie alchimique, l’androgyne incarne les deux éléments originels que sont Sulphur et Mercurius (mot à mot «le soufre et le mercure», au sens figuré «ce qui brûle et de qui coule») : ils sont présents dans la matière originelle qui constitue le point de départ du Grand Oeuvre et, après qu’une série de purifications a permis d’obtenir la «pierre de la sagesse», ils représentent la totalité idéale...
Antimoine
Symbole alchimique, matière des sages, loup gris des philosophes, selon Basile Valentin.
L’antimoine correspondrait à l’avant-dernière étape de l’alchimiste à la recherche de l’or philosophal.
Pour Fulcanelli, l’antimoine des sages... est un chaos qui tient lieu de mère à tous les métaux.
Il est la matrice et la veine de l’or et le séminaire de sa teinture, selon Sendivogius (Lettre philosophique, traduit de l’allemand par Ant. Duval, Paris, 1671).
On le considère également comme le fils naturel de Saturne ; passionnément aimé de Vénus, il est la racine des métaux ; ses liens avec Saturne et Mercure l’apparentent à l’émeraude.
L’antimoine symboliserait, du point de vue analytique, un état très proche de la perfection, dans l’évolution d’un être ; mais il lui resterait à franchir l’étape la plus difficile, l’ultime transformation du plomb en or, étape dans laquelle le plus grand nombre échoue.
Il exprime la possibilité d’une suprême élan, mais aussi d’un échec définitif ; de là sa couleur symbolique, qui est le gris ; et son image mythologique, une Diane admirable ou monstrueuse...
Argent
Dans les textes alchimiques, l’argent est généralement désigné par le nom de la déesse Luna.
La croyance populaire le considère d’autre part comme un métal qui chasse les démons...
Bain
En alchimie, la dissolution des deux essences originelles Sulphur et Mercurius, le soufre et le mercure, est représenté sous la forme du bain du roi et de la reine...
Camphre
D’origine végétale, le camphre est une substance blanche, à demi transparente, d’une odeur forte et agréable, que l’on extrait d’une sorte de laurier de la Chine et du Japon.
D’abord mieux connu en Extrême-Orient, on le retrouve en Inde pour qualifier le blanc pur - la couleur de Shiva.
D’où l’idée d’une certaine noblesse et de l’ouverture au divin qu’appelle toujours cette couleur.
D’autant qu’en pharmacologie, le camphre est largement utilisé comme sédatif : il ramène le sommeil ; les cigarettes de camphre calment l’asthme et sa poudre apaise les migraines.
Le camphre agit aussi comme antiseptique et comme insecticide (ses dérivés composent la naphtaline).
La plus puissante vertu qu’on lui prête est cependant, sans doute, d’être un anaphrodisiaque, puisqu’il combat toutes les inflammations des organes génitaux.
Ce retour induit à la chasteté n’est pas la moindre quali-té d’une substance dont on mesure ainsi l’importance dans la progression de l’homme vers le divin par la blancheur virginale...
Cinabre
Le pouvoir de régénération qui est prêté au cinabre s’explique pour des raisons ésotériques, qui lui valurent une extraordinaire fortune universelle.
Composé naturel de soufre et de mercure, il constitue en effet, avec le sel, l’un des trois principes de base de la matière selon les conceptions de l’alchimie.
D’où son rôle essentiel dans la transmutation métallique (Traités d’Hermès Trismégiste, Livre d’Abraham, etc.).
Par cuissons successives dans son athanor en forme d’oeuf, l’alchimiste parvient à la pierre rouge qui, projetée sur le mercure chauffé, va se transformer en or - «Désir désiré», selon les mots de Nicolas Flamel, c’est le cinabre qui libère ce mercure essentiel.
Le caractère chinois qui le désigne, tan, le figure précisément à l’intérieur de l’athanor.
Agent d’immortalité et de transmutation, le rouge cinabre participe ainsi à une forme de renaissance perpétuelle de la matière et au gain de l’immortalité spirituelle par l’adepte...
Corail
Le livre d’alchimie Atalanta fugiens (Atalante fugitive, de Michaël Maier, 1618), représente un pêcheur qui retire des coraux rouges et blancs des eaux salées de la mer, symboles de la matière primitive, la materia prima...
Cuivre
L’ancienne symbolique des métaux considérait le cuivre comme le correspondant terrestre de la planète Vénus, et d’anciens écrits alchimiques le mettent aussi en relation avec ce signe astrologique...
Dragon
Le dragon est le symbole du mercure philosophal.
Deux dragons qui se combattent désignent les deux matières du Grand Oeuvre ; l’un est ailé et l’autre pas, pour signifier la fixité de l’une, la volatilité de l’autre.
Lorsque le soufre, fixe, a changé en sa propre nature le mercure, les deux dragons font place à la porte du jardin des Hespérides, où l’on peut cueillir sans crainte les pommes d’or...
Eau
Pour les opérations alchimiques, on recueille la ros coelestis, la rosée céleste, dans des linges, comme le représente le Mutus Liber de 1677.
Mais il semble s’agir ici d’une appellation déguisée pour désigner l’élément volatile mercure ; on concevait fréquemment la «rosée de mai» comme un solvant «enrichi par les sels de la nature», ce qui ne permet guère de faire la distinction entre croyance populaire et allégorie...
Fermentation
La fermentation est associée, en alchimie, à la notion de transmutation ; c’est la transformation, le mûrissement organique, qui prépare la régénérescence, le passage de l’état de mort à l’état de vie.
Les métaux et les pierres, pour l’alchimiste, fermentent dans la terre...
Feu
Dans Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, Gilbert Durand a distingué les techniques de production humaine du feu : soit il naît de la percussion de deux pierres (mouvement vertical), auquel cas il renvoie à la notion d’illumination ; soit il jaillit du frottement de morceaux de bois (et souvent, par enfoncement circulaire de l’un dans l’autre), affirmant alors sa nature sexuelle et fécondatrice (le feu était supposé pouvoir engrosser les filles, d’où sa fonction de phallus) - ces deux modes pouvant d’ailleurs se rejoindre et même fusionnent dans les techniques sexuelles comme celles du tantrisme de la main gauche ou de l’alchimie taoïste qui mènent à la libération suprême par la voie de l’énergie que l’extase sexuelle rend à son essence...
Fourneau
La fonte, l’émaillage, la poterie, le Grand Oeuvre alchimique sont ou bien des mariages du yin et du yang, de l’eau et du feu, de la Terre et du Ciel ; ou bien des retours à la matrice, des régressions à l’état embryonnaire en vue d’une nouvelle naissance.
Le fourneau est ce creuset où s’élabore l’union, le sein maternel, où se prépare la renaissance.
Le nom de sein maternel était expressément donné au four des anciens émailleurs européens.
On connaît des exemples chinois de sacrifice d’une femme, ou d’un couple, au Dieu du Fourneau, pour fa-voriser la fonte du métal.
Le fourneau des alchimistes chinois est en forme de sablier, de cônes opposés par le sommet, ce qui est la forme du mont Kouen-Loun, centre du monde, et aussi celle de la calebasse, image du cosmos.
La substance y meurt pour renaître sous une forme sublimée. On trouve de la même façon, dans diverses légendes européennes, le thème de la régénérescence des vieillards ou de la guérison des malades par leur introduction dans un four.
Il faut d’ailleurs parfois un miracle pour tirer les victimes de l’opération du mauvais pas où les a mises un forgeron imprudent...
Huile
Il ne faut pas s’étonner que la Science Hermétique ait accordé un rôle symbolique majeur à l’huile.
Déjà présente au début et à la fin de la vie, voici qu’elle devient également, pour Claude de Saint-Martin, un symbole de lien intermédiaire, en tant qu’élément d’un Grand Oeuvre alchimique, dans lequel le vin et le froment sont le soufre et le mercure.
L’huile, assure-t-il encore, est composée de quatre substances élémentaires qui lui donnent des rapports actifs avec les quatre points cardinaux.
De par sa nature, elle fixerait et arrêterait les influences extérieures, ce qui est un autre aspect de son rôle purificateur et protecteur...
Licorne
Des alchimistes voyaient dans la licorne une image de l’hermaphrodite ; il semble que ce soit un contresens : au lieu de réunir la double sexualité, la licorne transcende la sexualité.
Elle était devenue au Moyen-Âge le symbole de l’incarnation du Verbe de Dieu dans le sein de la Vierge Marie.
Dans la sixième et dernière tapisserie de la célèbre série du musée de Cluny, intitulée La Dame à la Licorne, la jeune femme, qui se dépouille de ses bijoux, est sur le point d’être absorbée par la tente, symbole de la présence divine et de la Vacuité.
L’inscription qui surmonte la tente, A mon seul désir, signifie que le désir de la créature se confond avec ce-lui de la volonté qui la dirige.
Dans la mesure où notre existence est un jeu divin, notre part devient libre et active, lorsque nous nous identifions au marionnettiste qui nous crée et nous dirige.
Alors, le soi se dissout pour faire place au grand Soi, sous la tente cosmique reliée à l’étoile polaire.
La Dame, par sa grâce et sa sagesse (Sophia-Shakti-Shekinah, c’est-à-dire : celle qui est sous la tente) autant que par sa pureté, pacifie les animaux antagonistes du Grand Oeuvre : le lion qui symbolise le soufre, et la licorne, le mercure.
Souvent, la Dame est assimilée au Sel Philosophal. Elle est très proche de la parèdre d’Hevajra dont le nom signifie celle qui est sans ego.
La corne dressée de la licorne, qui symbolise la fécondation spirituelle et qui capte le flux de l’énergie universelle, est en accord avec le symbolisme axial de la tente, prolongé par une pointe avec le symbolisme des deux lances, de la coiffure de la Dame et de sa suivante, surmontées d’une aigrette, et des arbres qui célèbrent les noces mystiques de l’Orient et de l’Occident (le chêne et le houx répondant à l’oranger et à l’arbre à pain).
Les armoiries, de gueules à la bande d’azur chargée de trois croissants montants d’argent, suggèrent que ces tapisseries ont pu être commandées par le prince Djem, fils infortuné de Mahomet II, le conquérant de Constantinople.
L’idéal de ce Prince, longtemps captif dans la Creuse où furent retrouvées ces oeuvres, ne consistait-il pas à réunir la Croix et le Croissant ?
L’île ovale qui supporte la scène est découpée comme un lotus, symbole de l’épanouissement spirituel.
Quant au petit singe assis devant la Dame, il désigne l’alchimiste en personne, le «singe de nature» veillant sur sa maîtresse, qui peut être assimilée à la Materia Prima.
La licorne figure dans maintes planches de traités alchimiques (Lombardi, Lambsprinck, Mylius, etc.).
Cette bête fabuleuse d’origine orientale, liée au troisième oeil et à l’accès au Nirvana, au retour au centre et à l’Unité, était toute destinée à désigner aux hermétistes occidentaux le chemin vers l’or philosophal - vers la transmutation intérieure qui s’effectue lorsque l’androgyne primordial est reconstitué.
En Chine, le nom de la licorne, Ki lin, signifie yin-yang...
Lune
Le yang, le soleil, le feu est représenté par une jeune fille, et le yin, la lune, l’eau, est figurée par un jeu-ne homme, s’apparentant à ce que les alchimiste occidentaux appellent le «feu aqueux» et l’ «eau ignée».
«Le yin qui est dans Li est le feu, écrit ainsi Shang-yang-tseu, et le yang qui est sans Kan est l’eau.»
Suivant les textes, et la dialectique de l’androgyne, on peut trouver l’équivalence générale femme-terre-feu et homme-ciel-eau, selon laquelle le «Ciel recèle le soleil qui est yin» tandis que la lune est yang, alors que, selon l’ordre normal des choses, et non plus selon leur ordre caché, «la lune est le Grand Yin. Elle a originellement une matière et pas de lumière. Elle croît et décroît selon qu’elle reçoit plus ou moins de lumière du soleil».
A noter d’ailleurs que, dans cette perspective, «à chaque jour sans lune ou de nouvelle lune, le Grand Yin et le Grand Yang s’unissent das un même palais», cependant que l’on doit commencer l’Oeuvre au moment où la lune émerge, afin d’atteindre à la «grotte de la lune» où l’adepte peut espérer participer à «la merveille de la Création qui n’a pas encore commencé».
Dans notre alchimie, Luna symbolise l’argent, et aussi la «reine», dont le mariage avec le «roi» crée un être androgyne, par les noces de Sol et de Luna, de Rex et de Regina, après qu’ont été effectués l’opus lu-nae (le travail de la lune, c’est-à-dire l’oeuvre au blanc) et l’opus solis (le travail du soleil, l’oeuvre au rouge)...
Mercure
Le mercure est un symbole alchimique universel, et généralement celui du principe passif, humide, yin.
Le retour au mercure est alchimiquement la solution, la régression à l’état indifférencié.
De même que la femme est soumise à l’homme, le mercure est le serviteur du soufre.
Le mercure, le chouei-yin, argent liquide, des Chinois, correspond au dragon, aux liqueurs corporelles, le sang et le semen, aux reins, à l’élément Eau.
L’alchimie occidentale l’oppose au soufre, mais l’alchimie chinoise à leur composé : le cinabre.
L’alternance mercure-cinabre, obtenue par calcinations successives, est celle du yin et du yang, de la mort et de la régénérescence.
Selon certaines traditions occidentales, le mercure est la semence féminine et le soufre la semence masculine : leur union souterraine produit les métaux...
Oeuf
idée de germe d’une vie spirituelle, que se réfère la tradition alchimique de l’oeuf philosophique.
Foyer de l’univers, il renferme dans sa coquille les éléments vitaux comme le vase hermétiquement clos contient le compost de l’oeuvre. Le vase, qu’il soit matras, aludel, cucurbite ou cornue, devait, comme l’oeuf, être couvé pour que son compost pût se transformer. La chaleur de la couvaison était entretenue dans un athanor ou fourneau alchimique... Le compost pouvait être distillé pour servir à la composition de l’élixir ou encore subir la transmutation en or ou en argent... Des produits du compost... doit naître l’enfant de la philosophie, c’est-à-dire l’or, c’est-à-dire la sagesse.
Un manuscrit hermétique anonyme, cité par E. Monod-Herzen, parle de l’oeuf philosophique en ces termes : Voici ce que les anciens disent sur l’oeuf : les uns l’appellent la pierre de cuivre, la pierre d’Arménie, d’autres la pierre encéphale, d’autres la pierre qui n’est pas une pierre, d’autres la pierre égyptienne, d’autres l’image du monde.
L’athanor, fourneau des alchimistes, était traditionnellement comparé à l’oeuf cosmique.
L’oeuf symbolise le siège, le lieu et le sujet de toutes lestransmutations...
Or
Il est associé au thème de l’arc-en-ciel représenté comme un serpent qui se mord la queue : sans influence historique ou géographique possible, on retrouve ainsi la liaison de l’Ouroboros originel et terminal avec l’or des philosophes de l’alchimie, et avec la notion d’excrément primordial qui est aussi la materia prima qui doit être «digérée» par l’alambic ou dans le ventre symbolique de la Terre...
Pierre
La pierre cubique à pointe est le symbole de la Pierre philosophale : la pyramide surmontant le cube figure le principe spirituel établi sur la base su sel et du sol.
La construction, pierre sur pierre, évoque évidemment celle d’un édifice spirituel.
Cette idée est longuement développée dans le Pasteur d’Hermas mais elle trouve sa source en deux passages de l’Evangile : celui qui fait de Pierre (Kephas) la pierre fondamentale de la construction ecclésiale (Matt., 16, 18), la première pierre de l’édifice ; celui qui, de Matt. 21, 42 à Luc, 20, 17), reprend le texte du Psaume 118 : la pierre qu’avaient rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre de l’angle.
Cette notion de pierre angulaire, reprise par la Maçonnerie, est peu compréhensible si l’on n’opère la rectification que font aujourd’hui les traducteurs bibliques : c’est en réalité la pierre du faîte, c’est-à-dire la clef de voûte.
C’est la pierre de l’achèvement, du couronnement et le symbole du Christ, descendu du Ciel pour accomplir la Loi et les Prophètes.
Cette notion d’accomplissement du Grand Oeuvre s’applique exactement à la Pierre philosophale, d’ail-leurs quelquefois prise comme symbole du Christ.
Elle est le pain du Seigneur, écrit Angelus Silesius : On cherche la pierre de l’or (Goldstein), et laisse la pierre de l’angle (Eckstein), par laquelle on peut être éternellement riche, sain et sage (à noter qu’Eckstein a aussi le sens de diamant).
La pierre qui est l’Elixir de vie et qui, selon Raymond Lulle, régénère les plantes, est le symbole de la régénération de l’âme par la grâce divine, de sa rédemption.
Peut-on faire de l’or avec des pierres ? interroge ironiquement le commentateur du Traité de la Fleur d’Or.
Le Pao-p’ou tseu assure qu’on n’en peut tirer que le chaux.
Pourtant, le grand guru Nâgârjuna assurait la transmutation possible, par la vertu d’une énergie spirituelle suffisante.
Si l’or est l’immortalité, et que les pierres sont les hommes, toutes les méthodes d’alchimie spirituelle visent bien à cette opération.
La pierre de l’angle que je désire, écrit Silesius, est ma teinture d’or, et la pierre de tous les sages...
Plomb
Symbole de la lourdeur et de l’individualité inentamable. Métal pesant, il est traditionnellement attribué au dieu séparateur, Saturne (la délimitation). C’est ainsi que, pour la transmutation du plomb en or, les alchimistes cherchaient symboliquement à se détacher des limitations individuelles, pour atteindre les valeurs collectives et universelles.
Selon Paracelse, le plomb serait l’eau de tous les métaux... Si les alchimistes connaissaient ce que contient Saturne, ils abandonneraient toute autre matière pour ne travailler que sur celle-là.
Ce serait la matière de l’oeuvre parvenue au noir ; le plomb blanc s’identifierait au mercure hermétique.
Il symboliserait la matière, en tant qu’elle est imprégnée de force spirituelle, et la possibilité des transmutations des propriétés d’un corps en celles d’un autre, ainsi que des propriétés générales de la matière en qualités de l’esprit.
Le plomb symbolise la base la plus modeste d’où puisse partir une évolution ascendante...
Rebis
Le Rebis est une figure symbolique publiée par Basile Valentin dans un ouvrage hermétique, Traité de l’Azoth, qui date de 1659.
Le Rebis (de res bina) est le symbole de l’Androgyne. Les alchimistes appellent Rebis la première décoction de l’esprit minéral mêlé à son corps, parce qu’il est fait de deux choses, à savoir du mâle et de la femelle, c’est-à-dire du dissolvant et du corps dissoluble, quoique dans le fond ce ne soit qu’une même chose et une même matière... Les Philosophes ont aussi donné le nom de Rebis à la matière de l’oeuvre parvenue au blanc, parce qu’elle est alors un mercure animé de son soufre et que ces deux choses sorties d’une même racine ne sont qu’un tout homogène.
Ils l’assimilent en conséquence à l’androgyne : matière se suffisant à elle-même pour mettre au monde l’enfant royal plus parfait que ses parents.
En forme d’oeuf, le Rebis évoque l’oeuf philosophique des alchimistes, et aussi l’oeuf cosmique, dont la séparation en deux parties correspond à la manifestation par polarisation de l’Unité première.
Le germe de ce oeuf est précisément une figure androgynique dont la moitié féminine, surmontée de la Lune, tient en main l’équerre, et dont la moitié masculine, surmontée du Soleil, tient le compas.
Il n’y a donc pas, comme dans le cas très proche de Fou-hi et de Niu-koua, échange hiérogamique des attributs.
Engendré par le Soleil et la Lune, dit la Table d’Emeraude, le Rebis rassemble les vertus essentiellement unies, mais extérieurement polarisées, du Ciel et de la Terre.
Le dragon que surmonte l’androgyne, autre parenté avec le symbole chinois, en est la puissance de manifestation...
Sang
Le sang en alchimie désigne la solution rougeâtre qui résulte de la dissolution d’une substance auparavant solide...
Sceau de Salomon
Le sceau de Salomon forme une étoile à six branches, composée de deux triangles équilatéraux entrecroisés.
Cette figure est une véritable somme de la pensée hermétique. Elle contient d’abord les quatres éléments : le triangle la pointe en haut représente le feu ; le triangle la pointe en bas l’eau ; le triangle du feu tronqué par la base du triangle de l’eau désigne l’air ; à l’opposé, le triangle de l’eau tronqué par la base du triangle fu feu correspond à la terre.
Le tout réuni dans l’hexagramme constitue l’ensemble des éléments de l’univers.
Si l’on considère les quatre pointes latérales de l’étoile, auxquelles on situe convenablement les quatre propriétés fondamentales de la matière, on voit se manifester les correspondances entre les quatre éléments et les propriétés opposées deux à deux : le feu combine le chaud et le sec, l’eau l’humide et le froid, la terre le froid et le sec, l’air l’humide et le chaud.
La variation de ces combinaisons produits la variété des êtres matériels.
Le sceau de Salomon apparaît alors comme la synthèse des opposés, et l’expression de l’unité cosmique, en même temps que sa complexité.
Le sceau de Salomon englobe aussi, toujours d’après les traditions hermétiques, les sept métaux de base, c’est-à-dire la totalité des métaux, ainsi que les sept planètes qui résument la totalité du ciel.
Au centre réside l’or et le Soleil ; la pointe supérieure est l’argent et la Lune ; l’inférrieure, le plomb et Saturne ; les pointes de droite, en haut, le cuivre et Vénus ; en bas, le mercure et Mercure ; les pointes de gauche, en haut, le fer et Mars ; en bas, l’étain et Jupiter.
On pourrait multiplier le jeu des correspondances entre les éléments, les qualités, les métaux et les planètes, avec leurs diverses gammes de symboles, sur la base de cet hexagramme.
Toute la pensée et le travail de l’alchimie consistent à obtenir une transmutation de l’imparfait, qui se trouve à la périphérie, en une perfection unique, qui se trouve au centre et que symbolisent l’or et le Soleil.
La réduction du multiple à l’un, de l’imparfait au parfait, rêve des savants et des philosophes, s’exprime dans le sceau de Salomon.
Certains interprètes n’ont pas hésité à passer du plan matériel au plan spirituel et à voir dans le Grand Oeuvre de l’alchimie une ascèse et une mystique tendant à ramener un être, divisé entre ses multiples tendances, à l’union avec son principe divin.
D’autres voient l’union des principes masculins et fémi-nin dans les deux triangles superposés...
Sel
Combinaison, et partant neutralisation, de deux substances complémentaires, il est, outre leur produit final, formé de cristaux cubiques : c’est l’origine du symbolisme hermétique.
Le sel est la résultante et l’équilibre des propriétés de ses composants.
A l’idée de médiation s’ajoutent celle de cristallisation, de solidification, et aussi celle de stabilité, que précise la forme des cristaux...
Sept
Le sept, nombre de l’homme parfait - c’est-à-dire de l’homme parfaitement réalisé -, est le nombre de l’androgyne hermétique, comme il est en Afrique du Sud celui des Jumeaux mythiques.
Car il paraît bien certain que cet androgyne et ces jumeaux ne font qu’un. Significatifs sont encore les mariages d’arcanes majeurs du Tarot qui forment le sept.
Sept par quatre et trois c’est le couple Empereur-Impératrice, le Père et la Mère, la perfection dans le Manifesté, l’intérieur et l’extérieur du pouvoir temporel assumé, la Somme harmonieuse des Quatre Eléments et des Trois Principes de la Science Secrète.
En revanche, le couple de la spiritualité, Pape-Papesse, donne lui aussi sept, mais par cinq et deux.
Quant à l’arcane sept, expression de ces deux mariages, on ne s’étonnera pas qu’il soit celui du Chariot, signe d’accomplissement...
Soufre
Le soufre est le principe actif de l’alchimie, celui qui agit sur le mercure inerte et le féconde, ou le tue.
Le soufre correspond au feu comme le mercure à l’eau. Il est le principe générateur masculin dont l’action sur le mercure produit souterrainement les métaux.
Il manifeste la Volonté céleste (ce à quoi la pluie de soufre de Sodome correspond d’ailleurs curieusement) et l’activité de l’Esprit.
Le Soufre rouge de l’ésotérisme musulman désigne l’Homme universel - qui est aussi représenté par un phénix - donc le produit de l’oeuvre au rouge hermétique.
L’action du soufre sur le mercure le tue et, le transmutant, produit le cinabre, qui est une drogue d’immortalité.
Le rapport constant du soufre avec le feu met parfois aussi en connexion avec le symbolisme infernal.
Dans Job, 18, 15, le soufre apparaît comme un symbole de stérilité, à la manière d’un désinfectant.
Il se répand dans la demeure du Roi des frayeurs. C’est l’aspect infernal et destructeur du symbole, son sens positif inversé en sens contraire.
Selon une autre tradition ésotérique, qui rejoint la première, le soufre symbolise le souffle igné et désigne le sperme minéral.
Il est donc également lié au principe actif. Il apporte la lumière ou la couleur.
Selon le symbolisme alchimique des mystiques musulmans, l’âme qui se trouve figée dans une dureté stérile doit être liquéfiée, puis congelée, opérations suivies par la fusion et la cristallisation.
Les forces de l’âme sont comparées aux forces de la nature : chaleur, froid, humidité, sécheresse.
Dans l’âme, les forces correspondantes sont en relation avec deux principes complémentaires, analogues au soufre et au mercure de l’alchimiste.
Dans le Soufisme, le mercure désigne la plasticité de la psyché, et le soufre l’acte spirituel.
Pour Ibn-al’Arabî, le soufre désigne l’action divine (al-Amr) et le mercure la Nature dans son ensemble.
On sait que la couleur de la Pierre philosophale est rouge.
Pour les alchimistes, le soufre était dans les corps ce que le soleil est dans l’univers.
L’or, la lumière, la couleur jaune, interprétés dans le sens infernal de leur symbole, dénotent l’égoïsme orgueilleux qui ne cherche la sagesse qu’en soi, qui devient sa propre divinité, son principe et son but.
C’est ce côté néfaste du symbolisme du soleil et de la couleur jaune que représente le soufre satanique dans la tradition chrétienne : et cela dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament.
Sodome est consumée par une pluie de soufre, et le châtiment promis aux méchants dans le livre de Job utilise la même image : la lumière s’obscurcira sous sa tente... Le soufre est répandu sur sa demeure... il est poussé de la lumière dans les ténèbres (Job, 18).
La flamme jaune enfumée du soufre est pour la Bible cette anti-lumière dévolue à l’orgueil de Lucifer ; la lumière devenue ténèbres : Prends donc garde que la Lumière qui est en toi ne soit ténèbres (Luc, 11, 36).
Il est un symbole de culpabilité et de châtiment ; ce pour quoi on l’employait dans le paganisme pour la purification des coupables, selon G. Portal...
Sulphur et Mercurius
Sulphur (le soufre) et Mercurius (le mercure) désignent deux essences primordiales comprises comme un couple d’opposés et selon lequel toute matière se compose de ces deux éléments : de l’ «igné» et du «volatil», à des degrès de pureté et dans une proportion de mélange différents.
Tant que la fabrication de l’or, au sens littéral du terme, fut considéré comme le but à atteindre, il fallait purifier ces deux essences de base et augmenter leur teneur en mercure volatil.
Paracelse (1493-1541) et Basile Valentin ajoutèrent comme troisième élément «philosophique» le sel qui devait constituer la «palpabilité» : lorsque le bois se consume, la flamme vient du soufre, le mercure s’élève dans la fumée, le sel reste dans la cendre.
Ce concept pseudo-élémentaire rappelle, sur le mode de l’analogie, celui des physiciens atomistes selon lequel la matière se compose en grande partie de protons, d’électrons et de neutrons.
C’est seulement à l’époque moderne qu’il fut abandonné lorsqu’il s’avéra, à la suite des progrès de la chi-mie scientifique, que l’élément réel qu’est le soufre est absent des métaux vraiment purs...
Terre
La Terre est considérée comme l’origine de toute fécondité et de la richesse qui en découle.
C’est elle qui enfante à la fois les hommes et les moissons - à tel point que le blé, par exemple, est souvent devenu le symbole du jeune dieu associé à la terre, qui naît, pousse, meurt et renaît au rythme des saisons.
Cette fonction générique est d’ailleurs si prégnante dans l’imagination himaine que, dans nombre de cultures, le sillon tracé par le laboureur est l’équivalent de la vulve, s’il n’est même ontologiquement la même chose (par exemple dans les Védas), et qu’un enfant n’est considéré comme véritablement né que lorsque, après être sorti du ventre de sa mère, il a été déposé sur la surface de la Terre - signifiant par là qu’il est à la fois un petit d’homme dans sa condition existentielle (né de sa mère de chair), et le fils de la Mère archétypale qui sera ainsi appelé dans sa vie, à travers une initiation rituelle ou tout simplement endopsychique (individuation), à devenir le puer aeternus qu’il est déjà par essence.
C’est de cette intuition très profonde qu’est née l’alchimie elle-même (tout est l’enfant de la materia prima, et l’adepte ne la travaille que pour devenir lui-même un filius philosophorum), de la même façon que le chaman des Indiens Cherokees tout autant que la mathématicien Jérôme Cardan au XVIème siècle, croient ou affirment tous les deux que la terre est la mère des pierres précieuses, qu’elle mûrit les métaux dans son sein et que c’est elle, dans les processus de croissance qui sont les siens, qui transforme le cristal en diamant - comme l’embryon en foetus puis en bébé prêt à naître...
Vin
L’alchimie se sert de la symbolique du vin. Dès l’Alexandrie tardive, en effet, les alchimistes appellent parfois Hermès le Vendangeur, tandis que leurs successeurs désigneront leur pratique comme celle du «pressage de la vendange» - puisqu’il faut extraire l’élixir de son enveloppe comme on extrait le jus du raison, et qu’à la fin du travail, après la phase de rubedo (l’oeuvre au rouge), cet élixir lui-même, dans sa nature révélée (ce qu’on appellera plus tard «élixir de longue vie»
- substitut dans le langage courant de l’immortalité acquise par le filius philosophorum), est d’un rouge profond comme l’est le vin lui-même...
V.I.T.R.I.O.L.
Initiales d’une formule célèbre parmi les alchimistes et qui condensait leur doctrine : Visita Interiorem Terrae Rectificando Invenies Operae Lapidem, soit, selon une traduction de Jean Servier, Descends dans les Entrailles de la Terre, en Distillant, tu Trouveras la Pierre de l’Oeuvre.
Ces initiales ont formé un mot initiatique, qui exprime la loi d’un processus de transformation, concernant le retour de l’être au noyau le plus intime de la personne humaine... ce qui revient à dire :
Descends au plus profond de toi-même et trouve le noyau insécable, sur lequel tu pourras bâtir une autre personnalité, un homme nouveau.
Kurt Seligman donne un texte et une tradition quelque peu différents : Visita Interiora Terrae Rectifi-cando Invenies Occultum Lapidem, soit : Explore l’Intérieur de la Terre ; en Rectifiant, tu Découvriras la Pierre Cachée.
C’est la synthèse exprimée des opérations alchimiques, aux divers niveaux de transformation considérés, que ce soit celui des métaux ou que ce soit celui de l’être humain.
Dans ce dernier cas, le symbole va évidemment plus profond : il s’agit de se reconstruire soi-même, à partir des divers degrés d’inconscience, d’ignorance et de préjugés, sur l’irréfragable conscience de l’être, par quoi l’homme peut découvrir la présence immanente et transformante de Dieu en lui...